La prévision est l’une des pierres angulaires de la planification des effectifs en centre de contact. Sans elle, il est en effet impossible de planifier le nombre d'agents nécessaires pour répondre en permanence à la demande.
Dans un scénario idéal, tous les centres de contact seraient en mesure de prédire l'évolution de la demande sur plusieurs mois avec une précision par intervalle horaire (par exemple, 15 minutes). La réalité peut paraître plus compliquée, car les centres ne disposent pas toujours de suffisamment de données historiques. Les équipes en charge des prévisions doivent-elles pour autant se résoudre à dépendre de la gestion en temps réel pour faire face à la demande ? La réponse est non. Nous allons voir pourquoi en présentant la problématique des centres de contact et les solutions qui s’offrent à eux.
Dans cet article, nous ferons principalement référence aux « appels » mais les mêmes principes s'appliquent à d'autres canaux de contact comme les chats en ligne, les e-mails, les messages sur les réseaux sociaux, etc.
Problématique
La prévision est un processus qui consiste à compiler des données historiques, par exemple les volumes d'appels et les temps de traitement, dans le but d’extrapoler, à partir de ces informations, la demande à venir. Par conséquent, plus l’entreprise dispose d'un historique de données conséquent, plus la prévision sera précise. On estime généralement qu’il faut au moins trois ans d’historique pour pouvoir définir un cycle saisonnier avec des dynamiques de croissance ou de baisse.
Mais comment faire quand on ne bénéficie pas d’un tel recul (voire qu’on n’a pas de recul du tout) ? Il s'agit d'une situation fréquente, qui peut se produire, par exemple, dans les cas suivants :
- Une nouvelle entreprise, qui ne dispose par définition d’aucune donnée historique.
- Un nouveau produit ou un nouveau canal de contact, comme lorsqu’un centre de contact se met à prendre en charge un chat en ligne ou des messages sur les réseaux sociaux.
- Des données manquantes, que ce soit en raison de problèmes techniques ou d’une inadéquation du système en place (par exemple, certaines bases de données stockent uniquement les données des 12 derniers mois). Cela peut également se produire en cas de reprise en interne d'une activité auparavant sous-traitée, si l'ancien prestataire refuse de communiquer les données antérieures.
Solutions
Cas n° 1 : le volume de contact annuel est inconnu
Ce sera notamment le cas des nouvelles entreprises ou de celles qui développent une nouvelle activité. Il est toutefois possible d’estimer ce volume, en suivant trois étapes :
- Demander à des collègues des ventes ou du service financier de partager les prévisions dont ils disposent. Il est probable qu'ils aient déjà défini des objectifs chiffrés pour la nouvelle activité.
- Estimer le nombre de contacts que chaque nouveau client est susceptible de réaliser en un an. Pour cela, il est conseillé d’identifier les différents motifs d'appel et les fréquences individuelles pour chaque motif.
- Multiplier le nombre de clients par le nombre attendu d'appels pour établir une estimation du nombre total d'appels par an. Il suffit ensuite de passer à la section suivante.
Cas n° 2 : le volume de contact annuel est connu
- Estimer le nombre d'appels par mois. Il s'agit d'une information importante car tous les centres de contact font face à un phénomène de saisonnalité. Ainsi, de nombreux commerçants réalisent la majeure partie de leurs ventes entre novembre et décembre, tandis que les agences de voyages enregistrent généralement un pic d'activité en janvier. Prenons l’exemple d’un commerçant dont les concurrents directs (commerces ayant une clientèle similaire à la sienne) reçoivent 15 % de leur volume de contact annuel en novembre. En se basant sur ce chiffre, si son volume de contact annuel estimé est de 200 000, il devrait recevoir environ 30 000 appels en novembre.
- Estimer le nombre d'appels par jour et sur certains créneaux horaires en appliquant des schémas de répartition des contacts hebdomadaires et journaliers. Si l'on poursuit l’exemple ci-dessus, si 17 % des appels sont habituellement reçus le lundi, et 3 % des appels entre 9 h et 9 h 30, on peut s’attendre à 153 appels entre 9 h et 9 h 30 un lundi de novembre.
Pour réaliser ces calculs, il faudra évidemment se baser sur des données de référence, provenant idéalement de centres du même secteur, avec le même type de clientèle, voire les mêmes horaires d'ouverture. Il est en effet probable que de tels centres rencontrent les mêmes schémas de répartition des appels, même s'ils traitent un volume différent.
Temps moyen de traitement
Pour calculer les effectifs nécessaires, il est impératif de connaître le volume d'appels et le temps moyen de traitement (TMT) attendus. Là encore, il est conseillé de se référer aux chiffres de centres de contact équivalents. Il est d'autre part préférable de commencer par
une hypothèse prudente, en ajoutant au TMT une marge de sécurité. Il y a fort à parier que les données réelles en matière de TMT seront disponibles plus vite que les données portant sur le volume total de contact et les schémas de répartition. Il ne faut donc pas hésiter à commencer à exploiter les données de TMT réelles dès que l’on observe une tendance stable.
Conseils utiles pour réussir ses prévisions sans données historiques
- Mettre en place un réseau avec lequel on pourra comparer ses données de référence. Il peut par exemple s’agir d’échanger avec des pairs du même secteur sur les réseaux sociaux ou d’intégrer des associations professionnelles.
- Rejoindre des groupes d’experts en planification, tels que SWPP, The Forum et Call Centre Helper
- Toujours garder à l’esprit que, généralement, les schémas de répartition des appels se répètent (par exemple, le pourcentage de contacts effectués un certain jour de la semaine ou à une certaine période de la journée). Cette règle est valable même en cas d'évolution importante du volume total d'appels, comme pour une entreprise en pleine croissance. Il n’est donc pas gênant que les données de référence en matière de répartition soient parfois plus anciennes que les estimations de volume.
- Valider ses hypothèses auprès de collègues, qu’ils travaillent ou non dans le domaine de la planification. Il ne faut pas hésiter à tirer parti de leur expérience pour évaluer la pertinence des prévisions.
- Documenter ses hypothèses, en veillant à toujours citer ses sources. Il faut d'autre part être vigilant à la gestion des changements. En cas de modification d'une hypothèse, il est important de conserver une trace de cette modification, en indiquant qui en est à l'origine et quelles étaient ses motivations.
- Expliquer clairement, au moment de définir des objectifs de niveau de service avec l’équipe des opérations, que ces objectifs sont basés sur des estimations de données client, en fournissant systématiquement les sources de ces données.
- Lancer le processus de prévision « en mode production » dès que des données sont disponibles, puis comparer les données réelles avec les prévisions initiales et les prévisions de production.
- Évaluer les différentes hypothèses par l’intermédiaire de tests afin de limiter les risques. Par exemple, pour analyser l’impact du lancement d'un nouveau canal de contact, il est préférable de le proposer uniquement à certains clients dans un premier temps. Cela permettra d’observer l’influence de ce changement sur le volume total de contacts, le volume par canal et le TMT par canal avant de le mettre en œuvre à grande échelle.
- Se préparer à un différentiel important entre les prévisions et les données réelles. Les professionnels de la planification compétents savent qu’il est important de disposer d'un plan d'adaptation rigoureux pour optimiser la gestion intrajournalière – en particulier lorsque l’on réalise des prévisions sur la base d’une quantité limitée de données. L'avantage de certains canaux tels que les chats en ligne est qu’ils peuvent être désactivés lorsque la capacité devient limitée.
Conclusion
Au premier abord, il peut sembler compliqué de réaliser des prévisions sans données historiques. Beaucoup de personnes pensent que, même avec des calculs complexes, les centres de contact finissent toujours par se tourner vers la gestion en temps réel, car les résultats obtenus restent du domaine de l’approximation. En réalité, il existe des solutions éprouvées pour réaliser des prévisions sans disposer d'un ensemble complet de données. Le secret est de faire appel à l’expérience de son réseau et d’être aussi rigoureux que possible. C’est le meilleur moyen d'établir des prévisions précises, d’identifier les sources d'erreur potentielles et de limiter leur effet, et d’obtenir d’excellents résultats, même avec une quantité limitée de données.
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